Procédure de recrutement : quels sont mes droits et mes obligations?
De quoi s’agit-il ?
La liberté d’embauche est soumise au droit à l’embauche et elle est limitée par des règles juridiques générales comme la responsabilité, l’ordre public et les bonnes mœurs, ainsi que par des règles spécifiques relatives à la procédure d’embauche.
Concrètement : quelles sont les règles à respecter ?
Interdiction de la discrimination
La problématique de la discrimination, notamment dans le monde du travail, est en évolution constante et n’a pas encore été définitivement résolue à ce jour.
L’interdiction de la discrimination est fortement ancrée dans les textes légaux (de nature diverse), mais elle est aussi interprétée en permanence par la jurisprudence et par la doctrine pour pouvoir répondre aux évolutions de la société.
En outre, il existe aussi de nombreuses règles au niveau européen qui peuvent être directement applicables dans votre travail quotidien en tant qu’employeur. Il suffit de penser à la libre circulation des travailleurs au sein de l’UE et de l’EEE et à l’interdiction de la discrimination fondée sur la nationalité.
Aujourd’hui, les origines de la législation sur la discrimination remontent déjà à plus de 30 ans ! La première interdiction de discrimination dans la législation belge concernait la discrimination sur la base du sexe et l’obligation d’accorder, pour un travail égal, un salaire égal à l’homme et à la femme (!). L’égalité de traitement entre l’homme et la femme est un droit fondamental qui doit toujours être respecté.
Par la suite, les autres motifs « classiques » visés par l’interdiction de discrimination ont été appliqués dans le monde du travail, notamment dans les procédures d’embauche : interdiction de discrimination sur la base de la race ou de l’origine, des convictions philosophiques ou religieuses, du handicap, de l’âge, de l’orientation sexuelle, etc.
Depuis le 10 mai 2007, la Belgique connaît 3 dispositifs législatifs fondamentaux en matière d’interdiction de la discrimination. Ces lois ont révisé et remplacé de nombreuses dispositions plus anciennes.
Il s’agit :
- de la loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination : l’âge, les convictions syndicales, l’orientation sexuelle, l’état civil, la naissance, la richesse, les convictions religieuses ou philosophiques, l’état de santé actuel ou futur, le handicap, les caractéristiques physiques ou génétiques ou l’origine sociale ;
- de la loi tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes ;
- de la loi tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie : interdiction de la discrimination sur la base d’une prétendue race, de la nationalité, de l’ascendance ou de l’origine nationale ou ethnique.
L’interdiction au niveau communautaire vise la discrimination ou la distinction aussi bien directe qu’indirecte :
- distinction directe : une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est dans une situation comparable et cela sur la base de l’un des critères énumérés (critères protégés).
- distinction indirecte : une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour une personne ou des personnes par rapport à d’autres personnes sur la base de l’un des critères protégés.
- discrimination directe : une distinction directe entre des personnes sur la base de critères protégés.
- discrimination indirecte : une distinction indirecte entre des personnes sur la base de critères protégés, et qui ne peut être justifiée (c’est-à-dire : une distinction qui ne poursuit pas un objectif légitime et pour laquelle les moyens utilisés ne sont ni appropriés, ni nécessaires).
Aucune distinction directe sur la base de l’âge, d’une prétendue race, de l’orientation sexuelle, d’un handicap, des convictions religieuses ou philosophiques, n’est admise, excepté lorsque la distinction en question constitue, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée.
L’âge constitue encore un cas particulier. Une distinction directe est admise lorsqu’elle est justifiée objectivement et raisonnablement (objectifs légitimes touchant la politique en matière d’emploi ou sur le marché du travail, par exemple).
Les dispositions légales prévoient, en cas d’infraction, des sanctions aussi bien civiles que pénales ! En matière de relations du travail, ce sont surtout les sanctions civiles qui sont importantes.
Il faut savoir :
- qu’au cas où un travailleur invoquerait auprès d’Unia (Centre interfédéral pour l’égalité des chances), auprès de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, ou auprès d’un autre groupe de défenses d’intérêts, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination, la charge de la preuve, s’agissant de l’existence ou de l’absence de discrimination, incombe à l’employeur.
- que la loi protège le travailleur contre un licenciement ou une modification unilatérale de son contrat et de ses conditions de travail lorsque ce travailleur a introduit une plainte ou une action en justice. Cette protection s’étend jusqu’à 12 mois après l’introduction de la plainte ou jusqu’à 3 mois après que la décision de justice est passée en force de chose jugée.
À côté de ces lois, il existe également deux cct importantes, à savoir :
- cct 38sexies du 10 octobre 2008, modifiant la convention collective de travail n° 38 du 6 décembre 1983 concernant le recrutement et la sélection des travailleurs.
- cct 95 du 10 octobre 2008 concernant l’égalité de traitement durant toutes les phases de la relation de travail.
La cct 95 entend garantir le respect du principe de l’égalité de traitement durant toutes les phases de la relation de travail, depuis l’embauche jusqu’à la cessation du contrat de travail. Durant une relation de travail, l’employeur ne peut faire aucune distinction sur la base des éléments énumérés ci-après, excepté, d’une part, au cas où la distinction aurait un lien avec la fonction ou la nature de l’entreprise et, d’autre part, si cette distinction est requise ou autorisée par la loi.
Par « principe de l’égalité de traitement », on entend dans la cct 95 : l’absence de toute discrimination fondée sur l’âge, le sexe ou l’orientation sexuelle, l’état civil, le passé médical, la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, les convictions politiques ou philosophiques, le handicap, l’affiliation à une organisation syndicale ou à une autre organisation.
Critères de sélection en cas d’embauche collective ou de licenciement collectif
Le conseil d’entreprise (« CE ») possède un pouvoir de décision en ce qui concerne la détermination des critères généraux lors de l’embauche ou du licenciement en raison de circonstances économiques ou techniques.
Ce pouvoir porte sur :
- La détermination des critères généraux qui doivent être suivis en cas de licenciement collectif ou d’embauche collective, en tenant compte à la fois de l’intérêt de l’entreprise et de celui des travailleurs : les critères en cas de licenciement individuel ou d’embauche individuelle ne sont donc pas visés ici ;
- Dans le cadre des lois, des conventions collectives ou des décisions des commissions paritaires, l’examen des critères généraux qui doivent être suivis ;
- La détermination des critères généraux qui doivent être suivis si, pour des raisons économiques ou techniques, des travailleurs à temps plein doivent passer à un régime à temps partiel, et vice versa.
Pourquoi cette responsabilité dans le chef du CE ? L’objectif est d’impliquer plus étroitement le CE lors du licenciement ou de l’engagement des membres du personnel. L’employeur (chef d’entreprise) conserve son pouvoir de décision pour assurer l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise et donc également quant à l’opportunité de limiter éventuellement les réembauchages, mais le CE fixe les directives générales pour les réembauchages (le CE détermine les motifs de nature humanitaire et sociale qui doivent être appliqués par l’employeur lors des réembauchages).
Une fois que la décision de réembauchage est prise et que l’on a établi les types de travailleurs qui seront de nouveaux engagés, et dans quelle fonction, l’employeur doit appliquer les critères généraux fixés par le CE.
Vous pouvez notamment retrouver ces règles à l’article 12 cct n°9 du 9 mars1972.
Obligations de l’employeur vis-à-vis des candidats
La cct n°38sexies en date du 10 octobre 2008 (modifiant la cct n°38) fixe des normes et des règles de comportement pour la sélection et l’embauche. Ces règles concernent principalement les obligations dans le chef de l’employeur vis-à-vis du candidat–travailleur.
Obligations : 5 obligations de contenu
L’employeur doit respecter le principe de l’égalité de traitement vis-à-vis de tous les candidats.
L’employeur doit supporter les coûts des épreuves et des examens qui sont organisés dans le cadre d’une procédure de sélection dont il a donné l’ordre.
L’employeur doit remettre une attestation aux candidats soumis au contrôle du chômage, si ces derniers en font la demande (écrit mentionnant l’heure, le lieu, la date de l’examen de sélection et, éventuellement les motifs pour lesquels le candidat n’a pas été retenu).
L’employeur doit tenir à la disposition du candidat les pièces qui sont jointes à la procédure de sélection, pendant un délai raisonnable, mais seulement au cas où le candidat n’a pas été retenu.
L’employeur ne peut pas demander au candidat de transmettre des copies timbrées et certifiées conformes de diplômes, de certificats et d’autres documents, mais il peut toutefois demander au candidat de remettre une copie lisible du document original. Ce n’est qu’en cas de doute que l’employeur peut demander au candidat de produire le document original.
Règles de comportement
Les parties signataires de la cct 38sexies sont tenues, à côté des 5 obligations de contenu, résumées ci-dessus, de respecter des engagements relatifs à des « règles de comportement ». Ces engagements en matière de recrutement et de sélection ne sont toutefois que des engagements moraux.
Notamment :
L’offre d’emploi : elle doit contenir des informations relatives à la nature de la fonction, aux exigences posées pour l’exercice de la fonction, au lieu où la fonction doit être exercée, à la manière dont les candidats doivent postuler, etc;
Présomption : le candidat est supposé répondre aux exigences de la fonction et l’employeur doit informer le candidat qui n’a pas été retenu, dans un délai raisonnable, de la décision prise à son encontre et des motifs de ladite décision;
Procédure de recrutement et de sélection : les questions relatives à la vie privée du candidat sont strictement limitées à ce qui est directement pertinent pour la nature et les conditions de l’exercice de la fonction;
Données : En règle générale, l’employeur est tenu de traiter avec la confidentialité nécessaire les données qu’il a obtenues;
Durée : la procédure de sélection doit aboutir dans un délai raisonnable;
Travaux à l’essai : l’employeur ne doit pas faire durer plus que nécessaire les épreuves pratiques demandées pour contrôler les capacités des candidats;
Frais des candidats : l’employeur est encouragé à limiter autant que possible les frais liés à la candidature;
Offres d’emplois fictives : les employeurs doivent autant que possible éviter de recourir à des offres d’emplois fictives qui sont introduites à des fins exclusivement publicitaires.
Dans le chef du candidat, il est demandé :
- De collaborer de bonne foi à la procédure de sélection, et
- De communiquer à l’employeur les informations nécessaires dans la mesure où elles sont utiles pour la nature et les conditions d’exercice de la fonction concernée. Enfin, le candidat ne peut divulguer les données confidentielles qu’il a obtenues à l’occasion de la procédure.
Code de conduite
La CCT n°38sexies associe à l’interdiction de discrimination un code de conduite que les employeurs devraient idéalement respecter, à savoir : le recrutement et la sélection doivent s’effectuer de manière à ce que chacun, sans distinction, soit traité de la même manière, sauf si un candidat est pris en considération pour un traitement préférentiel afin de compenser des inégalités de fait.
Si les traitements préférentiels sont mis en œuvre, ceux-ci doivent être expressément mentionnés et la raison doit en être donnée.
Les employeurs sont invités à respecter ce code de comportement, aussi bien pour la procédure de recrutement et de sélection au sens strict que dans le cadre des entrées dans l’entreprise via des stages, des contrats d’apprentissage et des formations sur le lieu de travail.
Canaux de recrutement : ils doivent entraîner une égalité des chances, et même la favoriser. À cet égard, les emplois vacants doivent être décrits de manière neutre d’un point de vue discriminatoire (en termes de langues, de diplômes, de nationalité, …). En outre, il est de la responsabilité de l’employeur de procéder à des aménagements raisonnables pour permettre aux personnes handicapées d’accéder aux procédures de recrutement et de sélection (mesures appropriées pour permettre à chacun d’avoir accès à la procédure, sauf si ces mesures imposent une charge disproportionnée).
Exigences posées : les questions posées doivent être pertinentes pour la fonction et/ou l’exercice de la fonction. L’employeur ne peut se laisser guider que par des exigences fonctionnelles, c’est-à-dire des exigences qui sont pertinentes en raison de la nature ou des conditions d’exercice de la fonction.
Évaluation : seules les compétences acquises peuvent être prises en considération pour évaluer s’il est satisfait aux exigences fonctionnelles pertinentes. L’employeur veille à ce que des préjugés internes et/ou externes (même inconscients) ne jouent aucun rôle lors de la sélection. Les éventuelles batteries de tests utilisées doivent être examinées le plus attentivement possible afin d’y détecter des aspects discriminatoires (même involontaires). Les tests permettant d’évaluer l’aptitude d’un candidat doivent être appliqués sans préjugés et viser exclusivement à vérifier le potentiel effectif du candidat.
Notes : les employeurs veillent à ce que toutes les personnes associées à une procédure de sélection n’enregistrent pas d’informations donnant lieu à une discrimination, sauf s’il s’agit d’informations concernant un traitement préférentiel dans le cadre d’une procédure de sélection, ou sauf si l’enregistrement de ces informations constitue une nécessité légale, ou si certaines mesures d’accompagnement doivent être prises.
Plaintes du candidat : chaque candidat qui introduit par écrit une plainte motivée au sujet d’un traitement inéquitable doit recevoir dans un délai raisonnable une réponse écrite de l’entreprise concernée.
Feed-back : Si une entreprise dispose d’un conseil d’entreprise ou d’une délégation syndicale, ces instances doivent être tenues au courant chaque année des plaintes et du traitement réservé à ces plaintes.
L’examen d’embauche
Visite médicale préalable
Pour certaines fonctions (fonctions de sécurité, activités présentant des risques déterminés, activités liées à des denrées alimentaires, etc.), le médecin–conseiller en prévention doit examiner chaque travailleur qui est embauché.
La décision du médecin–conseiller en prévention sur l’aptitude du travailleur est communiquée au travailleur en question avant que ce dernier n’entre en service.
Élargissement à d’autres travailleurs
À l’initiative de certaines catégories déterminées de personnes, l’examen de santé préalable peut être élargi à tous les travailleurs qui travaillent dans l’environnement immédiat du poste de travail d’un travailleur soumis à un contrôle médical obligatoire.
Tests médicaux
Les tests et les examens médicaux ne concernent que l’analyse de l’aptitude actuelle (et non, par conséquent, de l’aptitude future) d’un (candidat) travailleur pour un emploi vacant.
Il est strictement interdit de procéder à un test ou à un examen médical dans le but d’obtenir des informations médicales sur l’état de santé ou sur la parenté du travailleur.
La notification de recrutement
L’employeur est tenu de déposer auprès de l’ONSS une déclaration signalant le début et la fin d’un emploi. Cette déclaration dite DIMONA doit être effectuée immédiatement.
Conclusion
Bon nombre des règles précitées sont bien connues : l’interdiction de la discrimination sur la base du sexe, l’interdiction de la discrimination sur la base de la nationalité ou de la race, etc.
La liberté d’embauche d’un employeur n’est donc pas absolue et un certain nombre de règles (strictes) doivent être suivies et appliquées.
En général, il s’agit de règles de bon sens, mais Il n’est pas inutile de les rappeler à vos collaborateurs, surtout si l’on tient compte des conséquences possibles pour votre entreprise, aussi bien sur le plan juridique (sanctions civiles et pénales) qu’en termes d’image.
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